Un village breton à l’heure verte

Plogastel-Saint-Germain, niché dans la campagne finistérienne, n’est pas réputé pour ses grands discours mais bien pour ses actes. Si la transition écologique est un défi planétaire, elle s’écrit ici à hauteur d’hommes et de femmes attachés à leur terre – “douar” en breton – et à la vie simple, inventive et solidaire qui anime le pays bigouden.

Dans cette commune de près de 2 200 habitants (INSEE 2021), la transition écologique n’est pas un concept lointain, mais un chemin partagé, pierre par pierre, par les élus, les écoles, les associations, les agriculteurs, les commerçants, et, surtout, les familles. Que signifie concrètement “faire sa part” ici ? Allons voir comment Plogastel se réinvente, discrètement mais sûrement, pour préserver l’air, l’eau, la terre et la convivialité qui la caractérisent.

Des collectivités engagées : la commune donne l’exemple

À Plogastel, la municipalité s’est rapidement saisie des défis écologiques. La commune adhère depuis 2017 au programme TEPOS (Territoires à Énergie POSitive) du Pays Bigouden, dont l’objectif est de réduire la consommation énergétique et développer les énergies renouvelables. Grâce à ce dispositif, plusieurs actions concrètes ont vu le jour :

  • Remplacement progressif de l’éclairage public par des LED, permettant une économie d’environ 50 % de la consommation électrique pour cet usage (donnée SDE29 – Syndicat Départemental d’Énergie du Finistère).
  • Travaux d’isolation et d’amélioration énergétique sur la salle polyvalente et le groupe scolaire public, financés en partie par des subventions liées à la transition énergétique.
  • Installation de panneaux solaires photovoltaïques sur le toit de la salle polyvalente, avec une production annuelle estimée à 22 000 kWh, soit l’équivalent de la consommation de six foyers (chiffres Pays Bigouden Sud Énergies).

Ce pas à pas montre comment une collectivité rurale peut transformer, à son échelle, ses équipements pour réduire son empreinte carbone et servir d’exemple aux citoyens.

Recycler, réemployer, transmettre : des gestes qui s’ancrent

Ce qui marque à Plogastel, c’est cette envie de ne rien gâcher. Ici, on jette peu, on récupère, on échange. Le réemploi a le vent en poupe, parfois à travers des initiatives toutes simples :

  • Le “Forum des Enfants” : Depuis 2020, une bourse aux jouets, vêtements et livres d’enfants est organisée autour de Noël par l’école Notre-Dame. Les familles déposent et récupèrent, contre une petite participation reversée aux projets scolaires. Les invendus sont donnés à la Croix-Rouge de Quimper.
  • La recyclerie mobile : En partenariat avec le SITTOMAT de Plonéour-Lanvern, une benne mobile fait étape chaque semestre à Plogastel pour collecter mobilier, électroménager, et objets réparables : ils sont ensuite remis à neuf par l’association “La Fée Récup” à Pont-l’Abbé.
  • Composteurs collectifs : Trois aires de compostages partagés (près de la salle polyvalente, au stade, à Pen-ar-Pont) permettent d’éviter chaque année près de 2 tonnes de biodéchets sur les 225 tonnes annuelles de déchets produits par les foyers de la commune (SITTOMAT 2022).

La dynamique est soutenue par le déploiement de la collecte sélective et par la sensibilisation régulière lors des réunions publiques et dans les écoles.

L’agriculture, cœur battant de la transition locale

L’agriculture façonne ici le paysage : bocage, prairies, parcelles de légumes, élevages – car Plogastel reste l’une des communes les plus maraîchères du Pays Bigouden (source : Chambre d’Agriculture du Finistère). La transition y est portée par plusieurs tendances.

  • Conversion au bio : En 2023, Plogastel comptait 7 exploitations agricoles certifiées bio, soit plus de 20 % des fermes du village – une part supérieure à la moyenne départementale (16 %). L’élevage laitier, la production de légumes et de pommes de terre en bio gagnent du terrain.
  • Circuit court : Le petit marché du dimanche matin place Saint-Germain accueille les produits de plusieurs fermes locales. La maison Legall (bio), la Ferme de Kerbenoc’h, ou encore des producteurs de miel ou de cidre vendent directement aux habitants. Les Amap, réseau de paniers hebdomadaires, regroupent plus de 50 familles du secteur.
  • Entretien du bocage : L’association “Ar Brezhoneg er vro”, au-delà de la valorisation culturelle, organise chaque année une opération de plantations de haies bocagères chez les agriculteurs volontaires, soutenue par le conseil départemental. Objectif : 600 mètres de haies chaque hiver depuis 2021.

Certaines exploitations testent aussi l’agroforesterie, ou la couverture permanente des sols. Les pratiques sont variées, mais la volonté de préserver les sols et la biodiversité s’affirme.

Consommer autrement : initiatives citoyennes et tendances nouvelles

A Plogastel, la question de la consommation prend des chemins singuliers : sobriété, circuits courts, mais aussi partage. Plusieurs pistes se dessinent :

  • Epiceries et commerces engagés : L’épicerie du bourg (l’Escale) propose désormais vrac, produits locaux et un rayon bio élargi.
  • La Ruche Qui Dit Oui : Le point de distribution, installé à la salle polyvalente deux fois par mois, fédère plus de 350 membres dans le Pays Bigouden, dont une vingtaine de producteurs locaux (légumes, viandes, fromages, pains, etc.) Les commandes sont effectuées en ligne et collectées à Plogastel dans une ambiance conviviale.
  • Repair Café itinérant : Initié par la communauté de communes, il fait régulièrement étape à Plogastel, permettant de réparer électroménager, outils ou vélos, et d’apprendre des astuces pour prolonger la vie des objets courants.

On note aussi la forte fréquentation du SEL du Pays bigouden (Système d’Echange Local), très actif sur le secteur, avec plus de 180 adhérents participant à Plogastel à des échanges de services, d’outils ou de petits travaux.

Préserver l’eau, la faune et les chemins : une vigilance partagée

Le rapport à la nature est ici direct. Marais, rivière du Steïr, chemins creux : le paysage fait partie du quotidien.

  • Sentiers entretenus : Grâce à la “Bretagne Héritage Naturel” (BHN), 39 kilomètres de sentiers balisés existent sur la commune, ouverts à la randonnée, et entretenus par un binôme agents communaux/habitants volontaires. Près de 280 heures de bénévolat sont recensées en 2022.
  • Protection des mares et zones humides : 5 mares ont été restaurées ces cinq dernières années avec le concours du CEN Bretagne (Conservatoire des Espaces Naturels). L’objectif est de préserver les amphibiens et libellules, sentinelles de la biodiversité.
  • Rivière propre : Les campagnes annuelles “J’aime la nature, je ramasse” mobilisent une cinquantaine de personnes à chaque édition sur le nettoyage des abords du Steïr et des talus.

La lutte contre la pollution de l’eau et le maintien de zones refuges s’ajoutent aux efforts pour préserver l’équilibre fragile du bocage bigouden.

Écoles et associations : transmettre, semer, éveiller

La jeunesse joue ici un rôle actif dans la transition écologique. Les deux écoles du village mènent des actions qui font boule de neige dans les familles :

  • L’école publique Ty Mamm Doué : projet “Potager & biodiversité”, création d’un hôtel à insectes, jardinage sans pesticides. Des ateliers ponctuels réunissent élèves, parents et grands-parents autour des savoir-faire du compost ou de la permaculture.
  • L’école privée Notre-Dame : collecte de piles, organisation d’une “journée verte” annuelle, sensibilisation au tri et à la réduction des déchets.
  • Interventions régulières des associations “Bretagne Vivante”, “Eau et Rivières de Bretagne” et “Arbre, Haie, Paysage” auprès des classes.

Mais l’écologie se transmet aussi lors des fêtes de village, où les gobelets réutilisables sont devenus la norme, et lors de chantiers participatifs d’entretien des chemins ou du four à pain, où petits et grands apprennent à “faire ensemble” au rythme du Kouign Amann et du cidre maison.

Des défis persistants, une énergie collective

Oui, tout n’est pas parfait : l’extension de l’habitat individuel sur les terres agricoles, une dépendance persistante à la voiture, l’accès encore difficile aux solutions de transport collectif ou de covoiturage structurées… Le défi climatique est immense, même dans un bourg à taille humaine.

Mais à Plogastel-Saint-Germain, les transitions se fabriquent dans le respect des rythmes locaux, du bon sens, et, souvent, dans la joie de se retrouver pour planter un arbre, réparer une clôture, ou cuisiner ensemble avec les produits du marché. La fierté d’habiter ce pays, d’y voir grandir les enfants, d’y accueillir ceux qui arrivent, reste une motivation forte pour réinventer la vie quotidienne et prendre soin du Finistère de demain.

Comme on le dit souvent ici : “N’eus ket mestroù war an natur !” (“On ne commande pas la nature”) – mais il nous appartient, tous ensemble, d’en prendre soin. 

Sources : INSEE, Chambres d’Agriculture du Finistère, SDE29, SITTOMAT, Pays Bigouden Sud Énergies, CEN Bretagne, Bretagne Héritage Naturel, associations et écoles de Plogastel-Saint-Germain.

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